Au nom d' »Alerte Phonegate », Me Elias Bourran, avocat au Barreau de Paris a déposé, le lundi 15 avril 2019, une plainte pénale devant le Procureur de la République de Paris contre le fabricant chinois de téléphones portables Xiaomi.

Les Xiaomi Redmi Note 5 et Mi Mix 2S, vendus en France, via ses boutiques, de nombreux distributeurs (FNAC, Darty, Boulanger,…) et chez les quatre opérateurs de téléphonie mobile (Orange, Free, SFR, Bouygue Telecom), ont été contrôlés par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) et un dépassement des niveaux réglementaires de débit d’absorption spécifique (DAS) a été constaté respectivement pour la tête et pour le tronc.

DAS comme mesure officielle de la dangerosité des effets thermiques des ondes

Or, pour mémoire, la dangerosité des effets thermiques des ondes est avérée et reconnue par la communauté scientifique internationale. Ceci a amené à la mise en place de limites règlementaires de DAS pour l’exposition humaine partout dans le Monde.

Dans ce contexte, la France a adopté différents textes afin de protéger les utilisateurs de téléphones portables contre les effets thermiques des ondes, notamment :

  • L’arrêté du 8 octobre 2003 fixant des spécifications techniques applicables aux équipements terminaux radioélectriques ;
  • L’arrêté du 8 octobre 2003 relatif à l’information des consommateurs sur les équipements terminaux radioélectriques pris en application de l’article R. 20-10 du Code des postes et télécommunications.
  • L’arrêté du 12 octobre 2010 relatif à l’affichage du débit d’absorption spécifique des équipements terminaux radioélectriques ;
Ces textes fixent la valeur limite du DAS local « tête et tronc » à 2W/kg, « membres » à 4 W/kg, mais également des obligations d’informations qui pèsent sur les fabricants

La méconnaissance de ces dispositions constitue des infractions.

Or, le DAS « tête » pour 10gr ressort ainsi pour le modèle Redmi Note 5 à 2.08 W/kg et non 1,29W/kg, soit une valeur supérieure à la limite maximale autorisée de 2 W/kg et à celle annoncée par Xiaomi.

S’agissant du modèle MI Mix 2S, les tests effectués par le laboratoire agréé allemand CTC Advanced ont révélé qu’il présentait un DAS « tronc » de 2,94 W/kg au lieu de 1,593W/kg, soit une valeur supérieure à la limite maximale autorisée de 2 W/kg et à celle annoncée par Xiaomi.

Sanctions pénales prévues pour le fabricant

A ce titre, le Xiaomi Redmi Note 5 est le premier smartphone épinglé officiellement en France et en Europe pour ne pas respecter le seuil d’exposition visant à protéger la santé et la sécurité des utilisateurs aux ondes émises par l’appareil au niveau de la tête (effets thermiques).

L’ANFR qui a le pouvoir de signaler ces faits au Procureur de la République a, sans explications sérieuses, décidé de ne pas en faire usage. Pour rappel, cet extrait du site de l’ANFR :

« Des sanctions pénales sont prévues pour le distributeur en cas d’infraction : si le DAS affiché n’est pas le DAS réel, il y a tromperie. Si de surcroît il est supérieur au seuil réglementaire, il y a non conformité.« 

Pour Maître Elias Bourran :

« C’est compte tenu de l’inertie de l’ANFR que cette action contre le fabricant voit le jour, alors même que le régulateur avait constaté de multiples infractions. Les solutions adoptées jusque-là pour se conformer à la règle de droit ne sont pas satisfaisantes, car elles amènent à la constitution d’autres infractions. Il est temps que le pouvoir judiciaire intervienne afin de faire respecter la loi.  En commercialisant des téléphones portables non conformes,  il est reproché à Xiaomi trois infractions : une  tromperie, d’autre part, une pratique commerciale trompeuse et enfin une mise en danger de la vie d’autrui

Suspicion d’une tromperie généralisée de plus grande ampleur

À partir de la base officielle allemande  que publie le Bundesamt für Strahlenschutz ((BFS) Office fédéral pour la protection contre les rayonnements), Alerte Phonegate a recensé les DAS déclarés par le fabricant Xiaomi pour 50 différents modèles qu’il commercialise en Allemagne.

Bien qu’apparaissant comme « conformes » à la réglementation, nous avons constaté que 23 des 50 modèles de smartphones Xiaomi présentent des niveaux de DAS déclarés et non contrôlés particulièrement élevés. 18 concernent le DAS « corps » avec des niveaux compris entre 1,4 et 1,7 W/kg, 9 des DAS « tête » entre 1,2 et 1,75 W/kg et quatre les deux en même temps.

Liste des modèles Xiaomi vendus en Allemagne source BfS (1ére colonne DAS tête, 2éme colonne DAS tronc)

 

Pour le Dr Marc Arazi :

« Face à notre demande, l’ANFR a refusé d’étendre ses contrôles et dans ses décisions privilégie systématiquement les intérêts de Xiaomi plutôt que ceux de ses utilisateurs/consommateurs. Avec ces nouveaux éléments, nous demandons légitimement à l’autorité judiciaire de lancer un contrôle de tous les modèles Xiaomi vendus en France ces trois dernières années afin de s’assurer que les mesures de DAS « tête » et « tronc » ont bien été respectées par le constructeur chinois. Nous comptons aussi sur une prise en compte à l’échelle européenne et internationale de ce qui pourrait être une tromperie généralisée de grande ampleur. »

Mise à jour ou obsolescence programmée

Par ailleurs, l’ANFR après avoir en avril et mai 2018 demandé le rappel de deux modèles de téléphones portables (Hapi 30 commercialisée par Orange et Neffos X1 TP902) privilégie depuis plusieurs mois pour tous les autres dépassements de DAS constatés (12 à ce jour), une solution de mise à jour logicielle.

Non seulement il incombe au consommateur d’effectuer ladite mise à jour afin de réduire le DAS de son téléphone et ne se pas se mettre en danger, mais il voit ainsi les capacités de son téléphone portable considérablement réduites, équivalent de fait à une obsolescence programmée.

En effet, la baisse du DAS va avoir pour conséquences :

  • une dégradation de la connectivité aux réseaux des opérateurs de téléphonie mobile, hachant la conversation ou la coupant ou, pire, ne permettant ni d’être joint ni de téléphoner dans des zones de moyenne ou mauvaise couverture ;
  • concernant les téléchargements de données, de la même façon cela va dégrader le niveau de débit avec des implications directes dépendant des applications utilisées.

Lancement d’une action collective pour les utilisateurs de Redmi Note 5 et Mi Mix 2S

Il s’agit donc là d’une double peine pour l’utilisateur. Fort heureusement, il n’est désormais plus seul et va pouvoir faire valoir ses droits grâce à l’action collective lancée par Maître Elias Bourran sur la plateforme d’action collective V pour Verdict.

Pour Elisabeth Gelot, avocate au Barreau de Lyon et co-fondatrice de V pour Verdict :

« Ce n’est pas une pratique isolée : régulièrement des multinationales s’émancipent des réglementations protectrices de la santé pour optimiser leurs marges de profit… Et ce, au détriment des utilisateurs qui n’ont ni le temps, ni les moyens financiers de se défendre. Mais avec V pour Verdict, le consommateur peut enfin reprendre du pouvoir, grâce au numérique et à l’action collective. « 

Grâce à la plateforme numérique de V pour Verdict, les utilisateurs victimes de Xiaomi peuvent rejoindre en quelques clics l’action collective portée par Maître Elias Bourran, afin de demander : le remboursement de leur téléphone, et des dommages et intérêts.