L’étude Mobi-kids (dont les résultats étaient attendus depuis 2016 !) a enfin été publiée le 30 décembre 2021, dans la revue scientifique Environment International. Ses auteurs concluent leurs travaux ainsi :
Dans l’ensemble, notre étude ne fournit aucune preuve d’une association causale entre l’utilisation du téléphone sans fil et les tumeurs cérébrales chez les jeunes. Cependant, les sources de biais résumées ci-dessus nous empêchent d’exclure une légère augmentation du risque.
Et le moins que l’on puisse dire c’est que la méthodologie de l’étude autant que ses résultats nous semblent sujets à controverses.
[1/2] Voici d’abord une présentation synthétique de notre première analyse de ladite étude, suivie des principaux points critiques qui, selon nous, mériteront d’être approfondis par la communauté scientifique internationale.
Mobi-kids en résumé
Mobi-kids est une étude cas-témoins réalisée chez les enfants, adolescents et jeunes adultes dans le but d’analyser l’éventuelle relation entre les technologies de communication, l’environnement et les tumeurs cérébrales. De portée internationale puisque menée dans quatorze pays (Australie, Autriche, Canada, France, Allemagne, Grèce, Inde, Israël, Italie, Japon, Corée, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Espagne), Mobi-kids vérifiait donc si l’utilisation de téléphones sans fil augmente le risque de tumeurs du cerveau chez les jeunes personnes.
671 cas de tumeurs recrutés dans quatorze pays
Entre 2010 et 2015, l’étude a recruté 899 jeunes âgés de 10 à 24 ans, tous atteints de tumeurs cérébrales bénignes ou malignes de type neuroépithéliales (pour 671 cas), principalement des gliomes. Un groupe témoin comptait 1 910 jeunes, opérés pour une simple appendicite.
Même dans le plus jeune groupe d’âge la grande majorité des participants étaient des utilisateurs de téléphones sans fil, dont un nombre substantiel d’utilisateurs à long terme (soit depuis plus de dix ans) : 22 % dans l’ensemble, 51 % chez les 20-24 ans.
Un appel par semaine pendant trois mois considéré comme usage régulier
Ces jeunes personnes atteintes d’une tumeur ainsi que le groupe de témoins ont été répartis en trois sous-groupes : 10-14 ans (287 cas (soit 42,8 %), 15-19 ans (217 cas (soit 32,3 %) et 20-24 ans (167 cas (soit 24,9 %). La plupart des plus jeunes sujets ayant une faible utilisation des téléphones mobiles, comparer le risque au sein de chaque catégorie d’âge était donc envisageable.
L’utilisation régulière du téléphone a été définie comme « le fait d’avoir passé ou reçu des appels au moins une fois par semaine pendant une période de trois mois ou plus ». Ces variables ont été calculées séparément pour les téléphones mobiles et les téléphones sans fil.
Dans le groupe d’âge des 15-19 ans, les utilisateurs non réguliers représentaient 3 % des participants. Dans le groupe des 20 ans et plus, ils étaient 1 %.
Des algorithmes pour mesurer le niveau d’exposition
Les analyses relatives à la dose d’extrêmement basses fréquences (ELF – Extremely Low Frequencies) et de radiofréquences (RF) provenant des téléphones sans fil sont basées sur les algorithmes développés dans Mobi-kids pour estimer la densité de courant induite par les ELF et l’énergie spécifique RF cumulées et pondérées dans le temps, absorbées au centre de gravité de la tumeur des jeunes personnes atteintes.
Selon les auteurs de l’étude, les algorithmes ont pris en compte l’ensemble de l’historique des appels sans fil reçus ou émis par les sujets, combinant les informations rapportées sur la durée des appels au cours de différentes périodes de temps avec les caractéristiques des réseaux et des téléphones indiqués comme ayant été utilisés – puisque ceux-ci varient dans la quantité et la distribution de la dose des ELF et RF dans le cerveau.
Les analyses sont basées sur l’utilisation antérieure des téléphones non filaires (mobiles et sans fil) telle que déclarée par les participants à l’étude, ainsi que sur l’estimation de la dose d’ELF et de RF telle que décrite ci-dessus.
D’autres utilisations des téléphones mobiles au moment de l’entretien ont été relevées : le nombre de messages texte envoyés par jour ; le temps passé (en minutes par jour) à envoyer des courriels, des vidéos ou des fichiers ainsi qu’à télécharger de la musique et des films, et le temps d’utilisation de la VoIP et du Wi-Fi (en minutes par jour).
Une durée d’appel variant de 53 à 655 heures en fonction de l’âge du sujet
L’utilisation des téléphones sans fil diffère fortement selon l’âge (tableau 2) : chez les 10-14 ans, 77 % étaient des utilisateurs réguliers contre 97 % pour les 15-19 ans et 99 % chez les 20-24 ans.
Le nombre médian d’appels rapportés est de 3 156, allant de 1 075 dans le groupe d’âge le plus jeune à 8 427 dans le groupe d’âge le plus élevé (20-24 ans). Un schéma similaire est observé pour la durée totale des appels déclarés, avec une médiane de 177 heures, allant de 53 heures dans le groupe d’âge le plus jeune à 655 dans le groupe le plus âgé.
Aucune analyse formelle n’a été menée pour tenir compte d’un éventuel biais de rappel différentiel, puisque les résultats de l’étude de validation des opérateurs n’ont fourni aucune preuve de rappel différentiel entre les cas et les témoins (van Wel et al., 2021). Le lien vers l’article mentionné n’est pas encore publié au moment de la sortie de Mobi-kids…
Des résultats pas si rassurants
Selon les signataires de l’étude, le schéma général des OR (Odds ratio) ne suggère pas d’augmentation du risque de tumeur du cerveau en relation avec l’utilisation de dispositifs sans fil (ou de téléphones mobiles ou sans fil séparément ). Ce n’est que dans le groupe d’âge le plus jeune que l’on constate une augmentation possible du risque lié au temps écoulé depuis le début de l’utilisation pour les tumeurs du lobe temporal, sur la base d’un petit nombre de cas.
Les résultats n’excluent toutefois pas un possible effet d’accélération de la croissance des tumeurs cérébrales, effet lié à l’utilisation des téléphones sans fil. Les auteurs avancent comme hypothèses que de nombreuses tumeurs découvertes pendant l’enfance ou l’adolescence peuvent être générées avant ou peu après la naissance.
Les tumeurs éligibles pour l’étude Mobi-kids atteindraient donc principalement leur pic au cours de la troisième année de vie et déclineraient ensuite. Par conséquent, dans la tranche d’âge de 10 à 24 ans, de nombreux patients atteints de tumeurs peuvent avoir déjà hébergé une masse croissante de cellules néoplasiques conduisant à leur diagnostic de tumeur du cerveau après avoir commencé à utiliser des téléphones sans fil.
Dans ces circonstances, toujours selon les experts, l’utilisation du téléphone sans fil pourrait avoir augmenté le taux de croissance de ces tumeurs larvées et conduit à un diagnostic plus précoce.
Lire sur le même sujet notre communiqué de Presse du 10 janvier 2022 :