Ae-Kyoung Lee, ingénieure Coréenne ayant contribué à l’étude Mobi-kids qui analyse l’impact du téléphone sans fil sur le risque de tumeur du cerveau pour les jeunes, n’a pas déclaré ses potentiels conflits d’intérêts avec l’industrie de la téléphonie mobile. Après l’expert français Joe Wiart qui, comme quatre autres employés, travaillait pour l’opérateur Orange, et le scientifique canadien Daniel Krewski qui, lui, omet de signaler plus de 1,5 million d’euros de financements des industriels de la téléphonie mobile, cette nouvelle entorse à l’éthique scientifique jette un voile de plus en plus sombre sur les résultats de cette étude.
Pour rappel : lors de la publication de l’article Mobi-kids fin décembre 2021 dans Environment International, les auteurs avaient « oublié » de faire paraître la partie consacrée aux conflits d’intérêts. C’est notre intervention auprès de madame Elisabeth Cardis, coordinatrice de l’étude, qui a permis de rectifier ce grave manquement à la transparence (on lira notre communiqué sur le site Alerte Phonegate).
À ce jour, les auteurs de Mobi-kids auxquels nous écrivons régulièrement pour connaître leurs positions suite à nos révélations-se murent dans un silence qui en dit de plus en plus long sur leur embarras.
En effet, il apparaît que madame Ae-Kyoung Lee travaille dans le laboratoire de recherche sur les médias de radiodiffusion et de télécommunications de l’agence coréenne « Electronics and Telecommunications Research Institute (ETRI) ».
L’ETRI est, selon Wikipédia : « un institut de recherche à but non lucratif financé par le gouvernement » coréen. En fait, selon nos premières recherches, il semblerait plutôt que cette organisation soit en lien très étroit avec les industriels de la téléphonie mobile et que son activité, en particulier le dépôt de brevets, génère des profits considérables.
Ainsi, tel qu’il ressort des chiffres affichés par l’ETRI en 2014 – et rappelons que l’étude Mobi-kids s’est déroulée entre 2009 et 2016, les brevets déposés ont rapporté plus de 152,3 millions de dollars de royalties. Et ce n’est là qu’une partie des sommes liées à l’industrie de la téléphonie mobile, comme on peut le lire ci-après :
« L’ETRI a signé un contrat de licence d’un montant de 71 millions de dollars (environ 75 milliards de wons) dans le cadre d’un litige juridique en cours sur un brevet concernant les communications mobiles 3G. À terme, l’institut vise à empocher 300 milliards de wons dans un futur contrat, ce qui équivaut presque à la redevance CDMA. »
Et que dire des liens avérés entre l’ETRI et le géant industriel de la téléphonie mobile Samsung concernant le développement de la 5G ? Dans un article publié dès 2015 sur le site objetconnecte.com – article intitulé « Samsung et l’ETRI, vers une nouvelle standardisation de l’IoT » – voici ce qu’on peut lire :
« Samsung Electronics, filiale de Samsung, a signé le 8 mai dernier une note d’intention pour travailler main dans la main avec l’ETRI (The Electronics and Telecommunications Research Institute) dans le domaine de l’Internet des Objets. Le vice-président du groupe Samsung, Lee Hyo-gun, et le Directeur de l’ETRI, Jung Sung-Young, ont officialisé cette nouvelle alliance vouée à instaurer de nouvelles normes d’interopérabilité et sur le potentiel de l’innovation open-source. En effet, un fabricant tel que Samsung a tout intérêt à se positionner sur l’échiquier de l’Internet des Objets pour imposer des standards qui puissent devenir des normes. ».
De son côté, l’experte coréenne Ae-Kyoung Lee est une ingénieure spécialiste de la mesure de l’exposition aux ondes de la téléphonie mobile. Elle faisait partie, avec monsieur Joe Wiart et d’autres experts, Myron Maslany, Hans Kromhout, Malcolm Sim et Massao Taki (voir ci-dessous), du comité Mobi-kids en charge de la mesure de l’exposition des enfants atteints de tumeurs du cerveau.
Nos investigations ont constaté que madame Ae-Kyoung Lee a déposé plusieurs brevets, soit au titre de son activité au sein d’ETRI, soit à titre personnel avec d’autres co-inventeurs. Ces brevets sont directement liés à la téléphonie mobile.
À ce titre – et selon les scientifiques que nous avons interrogés – ces brevets auraient dû apparaître, ainsi que l’ETRI, dans la rubrique des conflits d’intérêts. Voici l’avis du cancérologue suédois, le Pr Lennart Hardell à ce sujet :
« Tous ces conflits d’intérêts cachés, dévoilés seulement après la publication de l’étude Mobi-kids, ne manqueront certainement pas de mettre toute l’équipe des chercheurs dans l’embarras. Les mesures, par dosimétrie, de l’exposition du cerveau des utilisateurs de téléphones sans fil étaient menées par des scientifiques dont il semblerait que certains avaient des liens discrets avec l’industrie des télécommunications – en vertu de quoi, toute autre étude était écartée. Mais de ce fait, l’évaluation par Mobi-kids de l’exposition du cerveau aux radiofréquences souffrait de l’influence d’intérêts industriels. Il en résulte, par exemple, que des tumeurs centrales du cerveau ne figuraient pas dans l’étude, ce qui est assurément bien malvenu puisque cette localisation de tumeurs est plus fréquente dans le cerveau des adolescents que chez les adultes. Nombre d’autres points méthodologiques de cette recherche Mobi-kids la rendent finalement trompeuse. »
Pour le Dr Marc Arazi, auteur du livre Phonegate (Massot éditions) :
« Trois auteurs pris en flagrants délits de conflits d’intérêts avec des industriels de la téléphonie mobile, quatre collaborateurs d’Orange impliqués dans les procédures de mesures de l’exposition des enfants atteints de cancers du cerveau… Autant d’éléments cachés par l’ensemble de l’équipe Mobi-kids mais qui en disent pourtant bien long sur le manque total d’éthique scientifique de cette étude payée par le contribuable européen. Nos investigations vont donc continuer. »
Retrouvez l’intégralité de notre enquête sur Mobi-kids :