Une étude épidémiologique a récemment été menée par le chercheur Jinyoung Moon*, dans le but d’établir une potentielle corrélation entre l’exposition de la population aux rayonnements émis par les téléphones portables et l’augmentation constatée de certains types de tumeurs au cerveau en Corée du Sud. Les résultats, publiés début mars 2023 dans la revue Environnemental Research, confirment la tendance internationale en hausse rencontrée dans d’autres pays comme en France, avec une multiplication par quatre en 30 ans des glioblastomes (cancer les plus graves du cerveau).
Afin d’estimer l’impact de la téléphonie mobile dans la survenue de tumeurs au cerveau, le scientifique sud-coréen s’est appuyé sur le taux national d’abonnement au téléphone portable, utilisé comme approximation pour l’évaluation de l’exposition aux ondes électromagnétiques. Le chercheur a ainsi analysé l’incidence de certaines tumeurs, à la fois bénignes et malignes, par région du cerveau et pour l’ensemble de la population de la Corée du Sud.
Des tumeurs au cerveau en augmentation en Corée du Sud
Les données qui ont servi à l’étude sont issues des statistiques de l’Union internationale des télécoms (ITU), faisant état de l’évolution du nombre d’abonnements souscrits par la population sud-coréenne – passé de 0 abonnement pour 100 personnes en 1991 à 57 abonnements en 2000, puis à 135 abonnements en 2019. Concernant l’incidence des tumeurs, les statistiques sont issues du registre central du centre national du cancer en Corée du Sud. L’étude s’intéresse à 3 types de tumeurs bénignes (D32, D33 et D32.0 selon la classification internationale ICD-10), ainsi qu’à 3 types de tumeurs malignes (C71.0, C71.1, C71.2), en augmentation dans le pays entre 1999 et 2018, comme reporté dans le tableau ci-dessous, issu de la publication.
Une corrélation avérée entre exposition aux ondes et incidence des tumeurs au cerveau
Les résultats de l’étude montrent des coefficients de corrélation élevés entre l’exposition aux rayonnements des téléphones mobiles et l’incidence des cancers cérébraux, mesurés à 0,75, 0,85 et 0,84, en fonction des zones du cerveau concernées. En effet, plus le coefficient est proche de 1, plus la corrélation est forte. Par ailleurs, l’étude a également révélé que l’augmentation de certaines tumeurs bénignes du cerveau pouvait aussi être liée à l’exposition aux ondes de nos smartphones.
Pour Jinyoung Moon, « il est préférable de tenir son téléphone loin du corps »
Au vu des résultats, dans une interview donnée à Koréa Bizwire, Jinyoung Moon incite les utilisateurs de téléphones portables à la prudence :
« Les conclusions de cette étude sont cohérentes avec les résultats des évaluations d’exposition qui montrent que les lobes frontaux et temporaux reçoivent la plus grande quantité de rayonnements électromagnétiques lors de l’usage d’un téléphone portable. L’utilisation d’écouteurs ou d’un haut-parleur Bluetooth et le fait de garder le téléphone éloigné du corps peuvent réduire considérablement le risque de problèmes de santé. Par ailleurs, durant la nuit, il est préférable de tenir son téléphone loin du corps plutôt que de le laisser sur sa table de chevet. »
L’OMS devant une augmentation des cancers du cerveau
Alors que l’OMS doit revoir d’ici quelques mois la classification de la cancérogénicité des radiations émises par les téléphones portables, cette nouvelle étude vient confirmer, qui plus est dans le fief du leader mondial Samsung, une augmentation du nombre de personnes touchées par des tumeurs du cerveau. Rappelons que le nombre de glioblastomes, les cancers du cerveau les plus graves, a été multiplié par 4 en 30 ans selon Santé Publique France.
« Nous espérons que cette étude servira de déclic »
Selon le Dr Marc Arazi, président de l’association Alerte Phonegate à l’origine des révélations autour de ce scandale sanitaire et industriel majeur :
« Alors que nous alertons depuis des années sur la dangerosité pour la santé de l’exposition aux rayonnements électromagnétiques des téléphones portables, ainsi que sur l’absence d’une réglementation internationale réellement protectrice pour les utilisateurs, cette étude sud-coréenne tord le cou à ceux encore trop nombreux qui prétendent le contraire, les industriels du secteur en tête. Nous espérons qu’elle servira de déclic pour que les pouvoirs publics s’emparent enfin de cette problématique de manière sérieuse. Les impacts sur la santé sont de plus en plus reconnus scientifiquement, il est donc plus que temps que les autorités sanitaires mettent en place des mesures véritablement protectrices de la santé des usagers et en finissent avec un discours faussement rassurant. »
* Jinyoung Moon, Department of Occupational and Environmental Medicine, Inha University Hospital, Inhang-ro 27, Jung-gu, Incheon, 22332, South Korea ; Department of Environmental Health Science, Graduate School of Public Health, Seoul National University, Gwanak-ro 1, Gwanak-gu, Seoul, 08826, South Korea
Pour consulter l’étude :
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013935123004498?via%3Dihub
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