Dans un jugement rendu le 22 septembre 2022, Tracey Arial, Claire O’Brien, Erika Patton, Alex Tasciyan, Mathew Nucciarone et Vito Decicco, les sept plaignants, se voient donner gain de cause par le juge Christian Immer. Ils seront donc autorisés à lancer une action collective contre les fabricants de smartphones des marques Apple et Samsung, dans le cadre du scandale du Phonegate.

L’action avait été initiée en septembre 2019 par l’avocat Charles O Brien, suite aux révélations en août 2019 du journaliste américain (et prix Pulitzer 2008) Sam Roe dans le Chicago Tribune.

Tout récemment (fin août 2022), dans le volet américain du Phonegate, un jugement n’exigeait pas du géant Apple de rendre des comptes à la justice quant à la surexposition à laquelle sont exposés les utilisateurs de ses iPhone.

 

Le Phonegate pourrait coûter cher à Apple et Samsung

 

La décision canadienne autorise également une demande introductive d’instance en dommages-intérêts contre Apple Canada, Apple Inc., Samsung Electronics Canada et Samsung Electronics Co. Ltd. Ainsi les sept plaignants auront le statut de représentants des personnes du groupe défini par la formulation suivante :

« Toute personne physique résidente ou domiciliée au Québec et qui a, depuis le 11 septembre 2016, acheté ou loué et utilisé un téléphone Apple ou Samsung ».

Ce sont donc près de 8,5 millions d’habitants qui sont concernés, sachant que selon une étude récente 81 % des adultes québécois disposent d’un smartphone – les Iphone et les smartphones android se partageant le marché québécois. Voici donc que des millions de consommateurs sont potentiellement et directement concernés par ce jugement et par l’obtention de dommages et intérêts.

 

Des questions qui méritent des réponses

 

Le juge Immer a identifié plusieurs questions principales de faits et de droit qui devront être traitées collectivement :

  1. Les niveaux de SAR [Specific Absorption Rate = DAS] des téléphones des défendeurs dépassent-ils la limite de 1,6W/kg par 1 gr de tissu et, le cas échéant, à quelle distance de séparation ?

  2. Cela génère-t-il un risque ou un danger pour l’utilisateur ?

  3. L’exposition aux RF (Radiofréquences), sans égard à la distance de séparation, a-t-elle des effets sur la santé pouvant constituer un risque ou un danger pour l’usager ?

  4. Apple et Samsung auraient-elles dû fournir des instructions à l’usager à fin de protection contre un tel risque ou danger, entraînant leur responsabilité en vertu de l’article 53 LPC en cas de défaut ?

  5. Est-ce un fait important qu’elle a passé sous silence, le tout en violation de l’article 228 LPC ?

  6. Apple et Samsung doivent-elles verser des dommages punitifs ?

En lisant les attendus, nous sommes vraiment satisfaits de constater que les documents de tests de smartphones – que nous avons obligé l’ISED à nous transmettre – ont été incorporés à l’analyse de cette affaire.

Les autorités canadiennes doivent réagir !

 

Sharon Noble, administratrice canadienne d’Alerte Phonegate en appelle aux pouvoirs publics canadiens :

« Le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique (ISED), anciennement Industrie Canada, est chargé de tester les appareils sans fil pour s’assurer qu’ils respectent les normes du Code de sécurité 6 de Santé Canada, qui sont parmi les plus faibles des pays développés. Ainsi 9 téléphones portables sur 10 mis sur le marché canadien présentent des niveaux de DAS bien supérieurs aux limites réglementaires en usage réel (au contact ou au quasi-contact du corps). Le protocole de l’ISED, permet, encore aujourd’hui, de tester les téléphones jusqu’à 15 mm du « corps ». Ce jugement est donc une avancée importante qui doit très rapidement être prise en compte par le gouvernement canadien afin de mettre en place une réglementation réellement protectrice de la santé des utilisateurs de téléphones portables et d’objets connectés. »

 

« Il s’agit d’une grande victoire »

 

Pour Maître Charles O Brien, qui a porté cette action devant la justice et que nous avons sollicité :

« Il s’agit d’une grande victoire, car le juge permet à l’affaire de passer au stade du fond pour répondre aux questions spécifiques qu’il résume dans sa conclusion. D’un point de vue pratique, ce jugement fera presque certainement l’objet d’un appel par les défendeurs. Néanmoins, jusqu’à ce que cet appel soit entendu, nous avons gagné. Ce jugement (s’il survit à l’appel) nous donnera la possibilité de défendre des revendications au fond, avec des preuves et une expertise ainsi qu’une argumentation juridique. En outre, cela signifierait que les clients (d’Apple et de Samsung) pourraient s’inscrire en tant que membres du groupe. Cette décision valide l’important travail effectué par l’ensemble de la communauté EMF (Electro Magnetic Field). »

 

Tous les fabricants de smartphones bientôt concernés

 

 

Pour sa part le docteur Marc Arazi qui a révélé le scandale en 2016 et auteur du livre Phonegate récemment traduit en anglais :

« Nous nous réjouissons de ce jugement favorable ouvrant des perspectives importantes de reconnaissance du scandale du Phonegate au Canada mais aussi dans le reste du monde. Pour le moment ce sont Apple et Samsung qui sont concernées mais nous espérons que, à terme, ce soient tous les fabricants et les opérateurs de téléphonie mobile qui devront répondre de leurs agissements ayant permis de mettre sciemment en danger la santé de milliards d’utilisateurs. »

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