En mars 2022, soit après deux ans d’attente, l’Agence Innovation, Sciences et Développement économique Canada [L’ISED] a finalement envoyé à notre correspondante canadienne, Sharon Noble, la liste des résultats des tests portant sur 90 smartphones dont le DAS (débit d’absorption spécifique) avait été contrôlé entre 2015 et 2021.
Le DAS est un indicateur censé protéger la santé des utilisateurs. Cependant, l’Agence canadienne ISED ne précisait pas la distance de mesures du DAS entre le corps et le téléphone, et nous comprenons maintenant pourquoi : selon les nouvelles données (réclamées à l’ISED et reçues avec ce nouveau courrier le 8 juin 2022), 9 téléphones sur 10 dépasseraient largement les seuils réglementaires lors de l’utilisation du mobile en contact avec le corps.
En effet, lors de la mesure du test DAS tronc-téléphone, la distance contact-peau était de 10 mm pour plus de 80 % des téléphones contrôlés, et de 15 mm pour 10 % (voir les listes ci-dessous). Distance complètement irréaliste au regard de nos usages, par exemple lorsqu’un(e) utilisateur met son téléphone dans la poche.
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Le Canada traîne la patte pour protéger la santé des utilisateurs
Suite à une mesure d’urgence présentée en 2015 par la France devant la Commission européenne, l’Europe impose aux fabricants de téléphones portables une mesure du DAS tronc à 5 mm de la peau.
Ceci est la conséquence de tests de DAS effectués entre 2012 et 2015 par le régulateur français des télécommunications (l’ANFR, Agence nationale des fréquences), montrant que 9 téléphones cellulaires sur 10 dépassaient déjà les seuils réglementaires européens lorsque le DAS tronc était mesuré, soit au contact de la peau (à 0 mm), soit presque en contact (5 mm).
Pourtant, Il a fallu attendre 2018 et les actions du docteur Marc Arazi devant les juridictions administratives françaises – ainsi que ses révélations du scandale Phonegate – pour que plusieurs centaines de ces rapports de tests DAS réalisés par l’ANFR soient enfin rendus publics. Et il aura fallu encore quatre années de plus pour que les tests canadiens soient révélés (mais toujours pas publics au Canada).
La mesure du DAS tronc en contact avec la peau est recommandée
Une telle opacité est d’autant moins compréhensible qu’en 2019 l’ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – écrivait dans un rapport aux pouvoirs publics français :
« L’Agence recommande de faire évoluer les dispositions normatives relatives à la distance d’éloignement des dispositifs radioélectriques qui peuvent être placés à proximité du corps, afin que les mesures de vérification de conformité en matière de DAS soient effectuées au contact (0mm). »
A la suite de quoi, en septembre 2020, la France introduisait une objection formelle auprès de la Commission européenne, objection dont voici un extrait :
« C’est pourquoi les autorités françaises estiment nécessaire de réviser la norme harmonisée EN 50566 : 2017 relative aux mesures du DAS des dispositifs tenus à la main ou portés à proximité immédiate du corps humain afin qu’une distance maximale du corps de 0 mm soit prise en considération. Cette évolution permettrait de tenir compte, d’une part, de l’utilisation raisonnablement prévisible des équipements, conformément à la directive 2014/53/UE3, dite RED, en particulier le premier paragraphe de l’article 17, et d’autre part, des recommandations de l’ANSES dans son avis du 10 juillet 2019, susmentionné. »
La C.E. n’a toujours pas répondu à la requête de la France.
Quand les fabricants et les autorités doivent revoir leurs normes…
Dans IEEE magazine, Om Gandhi, professeur émérite, université de l’Utah, a publié en 2019 une analyse se basant sur les résultats des tests de l’ANFR et qui en résumé montre une augmentation du niveau de DAS pouvant atteindre :
“ un taux de 10 à 15 % pour chaque millimètre approchant davantage les éléments rayonnants de l’antenne [du smartphone].
Pour cet expert étroitement associé à la définition des normes de sécurité internationales et à la dosimétrie du DAS :
“De telles méthodes de tests produisent des résultats totalement inappropriés qui peuvent expliquer les très bas DAS rapportés par l’ISED.”
Pour sa part, Sharon Noble réclame une enquête sur les actuelles réglementations canadiennes qui ne protègent absolument pas les consommateurs :
“Le public canadien est trompé sur la sécurité des téléphones cellulaires, à la fois par Santé Canada qui valide la norme de “sécurité” du Safety Code 6 et par l’ISED qui applique cette norme…” La directive Safety Code 6 est une des moins rigoureuses au monde et ne protège pas du tout du type de radiations émises par les téléphones cellulaires. L’ISED fait preuve de négligence pour ces tests car, non seulement elle n’exige pas que ceux-ci soient conduits en reproduisant la façon dont les téléphones sont utilisés mais, de plus, elle a omis de tester des téléphones que d’autres – comme Alerte Phonegate – ont détectés être en violation avec le Safety Code 6.”
De son côté, le docteur Marc Arazi, dont la traduction anglaise du livre Phonegate vient d’être publiée chez Massot Editions :
« Cet « oubli » de l’ISED au moment de rendre publiques les données de distances lors de la mesure du DAS tronc en dit long sur le manque de transparence de l’Agence et sur l’absence de fiabilité de la réglementation canadienne censée protéger la santé des utilisateurs de téléphones portables. Nous espérons que ces nouvelles révélations inciteront les fabricants et les autorités à revoir les normes qui encadrent leur mise sur le marché nord-américain. »
Liste des téléphones portables non-conformes au Canada
CAN smartphones non conforme
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