Masao Taki, expert japonais est le quatrième auteur de l’étude Mobi-kids [qui analyse l’impact du téléphone sans fil sur le risque de tumeur du cerveau pour les jeunes] à n’avoir pas, lui non plus, déclaré ses potentiels conflits d’intérêts avec l’industrie de la téléphonie mobile, ni d’ailleurs son appartenance, jusqu’en 2008, à l’ICNIRP.
Après l’expert français Joe Wiart qui, comme quatre autres employés, travaillait au cœur stratégique de l’étude pour l’opérateur Orange ; après le scientifique canadien Daniel Krewski qui, lui, omet de signaler plus de 1,5 million d’euros de financements des industriels de la téléphonie mobile ; et après l’ingénieure coréenne Ae-Kyoung Lee qui au sein de l’organisation « Electronics and Telecommunications Research Institute (ETRI) participe aux centaines de millions de dollars de royalties générées avec des industriels comme le fabricant de smartphones Samsung, eh bien ce nouveau manquement du Japonais Masao Taki à l’éthique scientifique pose clairement la question de la transparence des informations transmises par certains auteurs de l’étude Mobi-kids.
Pour rappel : lors de la publication de l’article Mobi-kids fin décembre 2021 dans Environment International, les auteurs avaient « oublié » de faire paraître la partie consacrée aux conflits d’intérêts. Nous comprenons mieux pourquoi !
D’ailleurs, c’est notre intervention auprès de madame Elisabeth Cardis, coordinatrice de l’étude, qui a permis de rectifier ce grave manquement à la transparence (on lira notre communiqué sur le site Alerte Phonegate).
En effet, il apparaît de toute évidence que monsieur Masao Taki devrait figurer aussi dans la rubrique des conflits d’intérêts. Il n’en était d’ailleurs pas fait mystère dans une précédente publication consacrée à l’étude Mobi-kids, dans la revue d’épidémiologie Frontiers in Public Health datant de septembre 2014 et signée par les mêmes auteurs. Voici ce qu’on pouvait y lire :
« Le département de Masao Taki a reçu une subvention pour soutenir les travaux de modélisation numérique dans le cadre d’un partenariat université-industrie. »
Ce conflit d’intérêt aurait donc tout bonnement disparu dans l’article publié fin 2021. Nous avons cependant trouvé l’explication, et ce serait encore l’industriel Orange (anciennement France Télécom) que l’on retrouve à la manœuvre au travers de sa filiale Whist Lab (laboratoire commun de l’institut Mines-Télécom et d’Orange).
En effet, il semblerait bien que ce soit ce « partenariat université-industrie » qui aurait financé les travaux du Pr Masao Taki, comme le montre la déclaration de conflits d’intérêts « complète » de cet article dédié à l’étude Mobi-kids publié en 2013 :
« Le département du professeur Masao Taki a reçu une subvention pour soutenir les travaux de modélisation numérique dans le cadre d’un partenariat université-industrie. Le Whist Lab est financé par France Télécom. Aucun de ces financements n’a été utilisé pour soutenir les recherches décrites dans cet article. »
Par ailleurs, monsieur Masao Taki a été membre (1996-2008) de la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP), un pseudo organisme indépendant qui a établi des directives pour la protection contre les rayonnements non ionisants. Il était également président de la Commission ICNIRP SCIII de 2004 à 2008.
Ce sont d’ailleurs les recommandations de l’ICNIRP – reprises par de nombreuses réglementations, dont la directive européenne R&TTE 1999/5/CE – qui sont à l’origine du scandale du Phonegate. En effet, les révélations de l’ONG Alerte Phonegate ont permis de montrer que nous avions tous été largement surexposés aux effets thermiques des ondes de nos téléphones portables, et que la santé de millions d’utilisateurs était inconsidérément mise en danger tant par les industriels que par des régulateurs nationaux et certains experts pro-industries.
Le caractère plus que controversé du travail de l’ICNIRP et les multiples alertes sur les conflits d’intérêts en son sein avec les industriels de la téléphonie mobile justifient sans aucun doute la nécessité de devoir le faire figurer dans les potentiels conflits d’intérêts.
C’est d’ailleurs pour exemple le cas avec cet article publié en janvier 2022 dans la même revue Environment International. Ainsi, madame Maria Feychting, membre de la commission de l’ICNIRP (2008-2020) a, quant à elle, bien déclaré son appartenance à cette organisation dans la rubrique des conflits d’intérêts.
Pour la députée européenne Michèle Rivasi, à l’origine en 2020 d’un rapport dénonçant les liens d’intérêts existant entre l’industrie télécoms et l‘ICNIRP :
« Nous avons montré en 2020 combien la majorité des membres de l’ICNIRP ont effectué des recherches partiellement financées par l’industrie et coopère étroitement avec le lobby des télécoms. Ces experts sous l’influence de l’industrie servent à minimiser les risques. Pour un avis scientifique réellement indépendant, nous ne pouvons pas et ne devons pas nous fier à l’ICNIRP. On a l’impression aujourd’hui que l’histoire se répète avec Mobi-kids, qui a également bénéficié des financements de l’Union Européenne. Comment se fait-il que des co-auteurs des conclusions de Mobi-kids ont pu indiquer leurs liens d’intérêts par leur passé, et puis les passer sous silence maintenant ? Pourquoi la Commission européenne qui est l’un des bailleurs de fonds de cette recherche n’a-t’elle pas vérifié l’indépendance des experts retenus pour le projet ni l’existence de ces liens d’intérêts ? »
Précision par le Dr Marc Arazi – qui a lancé l’alerte du Phonegate et décrit dans son livre les stratégies des industriels pour favoriser leurs profits au détriment de la santé publique mondiale :
« Alerte Phonegate a écrit officiellement à monsieur Adrian Covaci, co-éditeur en chef de la revue Environment International, pour lui demander d’apposer au plus vite un avertissement au sein de l’article Mobi-kids. Les lecteurs doivent connaître les multiples et graves entorses à l’éthique scientifique de cet article. Il en va de la réputation de sérieux de la revue et de sa responsabilité éditoriale. Du côté des auteurs, nos courriers restent sans réponses. En attendant un retour, nos investigations vont donc continuer. »
Pour prendre connaissance de l’ensemble de notre travail d’investigation concernant l’étude Mobi-kids :