Il y a trois ans jour pour jour, via son blog, le Dr Marc Arazi lançait l’alerte sur le scandale du Phonegate avec cet article intitulé : « Téléphonie mobile: les constructeurs pris en flagrant délit de tromperie ».  En effet, la veille, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’environnement et du travail (ANSES)  publiait un rapport d’expertise intitulé « Exposition aux radiofréquences et santé des enfants ». Elle y révélait que 9 téléphones portables sur 10 testés en 2015 par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) en usage réel (au contact du corps) dépassaient les seuils réglementaires de protection de la santé et de la sécurité des utilisateurs.

Crédit Photo Pierrick Bourgault

Dr Marc Arazi Président Alerte Phonegate

Nous avons donc demandé au Dr Marc Arazi qui a lancé l’alerte sur le scandale du Phonegate de nous donner son avis sur les avancées mais aussi sur les difficultés rencontrées ainsi que sur les perspectives dans l’action menée pour protéger la santé des utilisateurs de smartphones.

Quelles sont selon vous les plus grandes réussites obtenues dans le scandale du Phonegate ?

Il ne peut y avoir de scandale sanitaire sans actions judiciaires. Et de la même façon, il ne peut y avoir d’actions judiciaires possibles sans preuves des infractions commises par les industriels. Ces preuves sont pour une grande partie dans les mains de l’ANFR et de son Directeur Général, Gilles Brégant qui utilisent tous les procédés les plus discutables pour retarder le plus possible leurs publications.

En menant une véritable guérilla judiciaire, nous avons forcé cette agence nationale placée sous la responsabilité du Ministère de l’économie et des finances à publier via son site open-data des centaines de rapports de tests (non intégraux et non originaux) montrant la faillite de la réglementation française et européenne.

C’est ainsi que nous avons aussi permis en France, depuis avril 2018, les premiers retraits de téléphones portables (plus de 100 000 Hapi 30 de Orange) et la mise à jour de 12 modèles différents.

List and details of measurements conducted on 14 cell phones with non-compliant SAR trunk or Head
Cell phone SAR trunk measured Manufacturer decision SAR trunk measured after update
Orange HAPI 2.1 W/kg Withdrawal from market, recall of models sold Non applicable
NEFFOS  X1 TP902 2.52 W/kg Withdrawal from market, recall of models sold Non applicable
Huawei Honor 8 2.11 W/kg Software update 1.45 W/kg
Echo Star Plus 2.05 W/kg Software update 1.41 W/kg
Alcatel Pixie 4-6” 2.04 W/kg Software update 1.58 W/kg
Wiko Tommy2

Bouygues Telecom

2.46 W/kg Software update 1.66 W/kg
Hisense F23 2.13 W/kg Software update 1.46 W/kg
Wiko View 2.44 W/kg Software update 1.34 W/kg
Archos access 50 3.01 W/kg Software update 1.36 W/kg
LOGICOM M BOT 69 2.81 W/kg Software update 1.51 W/kg
Xiaomi Redmi Note 5 SAR head measured

2.08 W/kg

Software update SAR head after update 0.356 W/kg
Xiaomi Mi Mix 2S 2.94 W/kg Software update 1.42 W/kg
Nokia 5 2.24 W/kg Software update 1.81 W/kg
Nokia 3 2.37 W/kg Software update 1.64 W/kg

 

Fort de ces avancées et de la mise en place du Consortium d’avocats du Phonegate, nous avons pu lancer, en France, les premières actions pénales et collectives contre les constructeurs XIAOMI et HMD GLOBAL OY (Nokia).

Et de la même manière les obstacles rencontrées dans le Phonegate?

Les obstacles sont multiples et ont tous un facteur commun, le rôle central que le téléphone portable joue au quotidien dans nos vies. Plus question de s’en séparer même si on a de sérieux doutes sur les risques pour notre santé et celle de nos proches. Dans ces conditions, la responsabilité des pouvoirs publics est centrale. Aucune campagne d’information sérieuse, pas plus de campagne de prévention ou des bons usages ne sont mises en place à grande échelle.

Mais c’est ici que le rôle du lobby des industriels de la téléphonie mobile joue à plein. Et ils ont toujours des arguments pour peser sur la décision politique, à savoir: poids industriels (emplois), poids financier (publicités), poids médiatiques (60% sont « sous contrôles » en France), etc..

Et comme face à tout scandale sanitaire et aux preuves scientifiques qui s’accumulent, « la stratégie du doute » bat son plein, portée par des soldats bien zélés et bien rémunérés, qu’ils soient « experts », politiques ou « journalistes ». Tout ce petit monde s’agite en coulisse pour discréditer, manœuvrer et ralentir nos actions.

Et cela marche ! Aux États-Unis, pays des libertés, le Phonegate a été classé par l’organisation américaine Project censored comme étant le 4éme sujet le plus censuré en 2018.  En France, la télévision publique, que dirige l’ancienne N°2 d’Orange, Delphine Ernotte, a systématiquement verrouillé toute possibilité d’informer les millions d’utilisateurs de téléphones portables des risques encourus.

Quelles perspectives pour le scandale du Phonegate au niveau international ?

Nous progressons chaque jour un peu plus et nous avons tissé un grand nombre de liens avec des organisations et des personnalités qualifiées dans une cinquantaine de pays. Nous nous appuyons sur un Conseil scientifique regroupant des experts de renommés mondiales.

Nous avons constaté lors de nos déplacements internationaux, comme tout récemment en Angleterre, combien ces liens directs étaient essentiels pour faire progresser le niveau de compréhension et d’alerte dans un pays. Cela va donc nécessiter du temps, des moyens humains et financiers.

Le relais des actions juridiques, dans un premier temps à l’échelon européen, est aussi une de nos priorités pour les mois à venir. En effet, la plupart des téléphones portables épinglés en France sont vendus aussi dans de nombreux pays européens. Et là encore, il y a une véritable lacune des instances européennes pour assurer aux consommateurs l’exigence essentielle de santé et de sécurité concernant la mise sur le marché et la surveillance de ces appareils.

Que conseillez-vous aux utilisateurs inquiets pour leur santé et celle de leurs proches ?

Mettre en place une nouvelle réglementation réellement protectrice pour la santé des utilisateurs va prendre du temps. Donc d’ici là, les solutions viendront d’un changement des usages. Et cela la société civile, sait le faire. Elle est souvent en avance sur le Politique, et c’est elle qui a su bien souvent montrer le bon chemin.

D’autant qu’il est plutôt simple de se protéger. En effet, il suffit de garder son téléphone mobile à distance de son corps. Pour reprendre ce slogan américain que nous aimons beaucoup : « la distance avec votre appareil est votre meilleur amie ». Donc ne plus mettre machinalement son smartphone dans sa poche de pantalon ou de chemise, ou ne plus le coller à l’oreille pour téléphoner. Rien d’insurmontable !

Comment peut-on aider l’action de l’association Alerte Phonegate?

Nous sommes aujourd’hui des dizaines de milliers, voir des centaines de milliers à savoir ce qu’est le scandale du Phonegate. Mais le chemin devant nous est immense; 5 milliards d’utilisateurs de téléphones portables sont directement concernés.

Alors toutes les aides sont les bienvenues, vous pouvez :

Dr Arazi, un mot pour conclure

Le scandale du Phonegate c’est avant tout la révélation d’une tromperie généralisée des industriels pendant plus de 20 ans concernant les normes censées protéger notre santé des technologies 2G, 3G, 4G. Avec l’arrivée de la 5G, nous devons impérativement nous assurer que cela ne va perdurer. Et pour notre part, nous ne faisons aucune confiance aux industriels et aux régulateurs pour y mettre fin.